mardi, juillet 17, 2007

L'Amérique française!


Cet article de Cyberpresse est un trésor en soi!

L'Amérique française: trésor touristique méconnu

Rudy Le Cours, La Presse

En traversant la frontière cette année, en quête de soleil, de sable et de mer, de gratte-ciel ou de musées aux collections fabuleuses, pourquoi ne pas en profiter aussi pour mesurer notre enracinement profond sur ce continent. Après tout, la francophonie est partie prenante du rayonnement de l'Amérique du Nord.

L'an prochain on fêtera le 400e anniversaire de Québec, la première ville française le long du Saint-Laurent. Samuel de Champlain l'a fondée quatre ans après une éphémère colonie dans l'île de Sainte-Croix (au Maine) qui marqua la naissance de l'Acadie.

Voici, tracé à grands traits, un portrait du fait français du côté américain dont la richesse et la complexité suscitent l'intérêt accru des géographes et des historiens.

On jurerait que c'est la Louisiane, mais c'est le Maine qui compte la plus forte proportion de sa population s'exprimant en français à la maison: 5,3% contre 4,3% pour le pays des Cajuns et des Créoles, selon les données du recensement de 2000.

«Les deux tiers du Maine appartenaient à la Nouvelle-France jusqu'en 1752», rappelle Barry Rodrigue, professeur à South-Maine University.

Les Français l'ont perdu aux mains des Britanniques au cours des French Indian Wars, le volet américain de la guerre de Sept-Ans qui a abouti à la déportation brutale des Acadiens en 1755 et à la victoire de Wolfe contre Montcalm sur les plaines d'Abraham en 1759.

Français et Acadiens ont eu droit à une certaine revanche cependant en prenant part activement à la guerre d'indépendance des États-Unis.

Tout le monde connaît Lafayette. Moins nombreux sont ceux qui savent que des Acadiens réfugiés en Louisiane devenue momentanément espagnole ont aussi pris les armes aux côtés des Américains.

La frontière du Canada avec le Maine, longtemps partie prenante du Massachusetts, a été fixée en 1842 seulement avec le traité de Washington. À l'époque, les Acadiens déportés de Nouvelle-Écosse s'étaient redéployés en grand nombre sur les terres fertiles des rives du fleuve Saint-Jean. En vertu du traité, la frontière suivrait désormais le cours du fleuve. Les riverains du sud sont devenus américains, du jour au lendemain. Ces petites communautés francophones sont restées toujours bien vivantes.

D'autres Acadiens se sont regroupés dans les bayous de la Louisiane une dizaine d'années après le Grand Dérangement. Ils sont devenus voisins des Créoles, ces descendants de Français, souvent esclavagistes, établis le long du golfe du Mexique et des rives fertiles du Mississippi.

Le fleuve, son embouchure et ses affluents du Nord comme la rivière Ohio étaient jalonnés de forts établis par les Français et les coureurs des bois canadiens. Ils servaient à protéger les comptoirs de traite des fourrures autour des Grands Lacs et de leurs deux émissaires majeurs, le Saint-Laurent et le Mississippi.

Les deux communautés franco-louisianaises vivront longtemps isolées l'une de l'autre, les Cajuns s'étant établis autour de Lafayette (autrefois Vermillon, du nom du bayou qui la baigne) alors que les Créoles restaient concentrés le long du Mississippi, entre Baton Rouge et La Nouvelle-Orléans.


Nouvelle impulsion


La Franco-Amérique, comme les universitaires américains aiment nommer le fait français chez eux, a connu une nouvelle impulsion avec la révolution industrielle commencée dans les années 1830.

La Nouvelle-Angleterre manquait de main-d'oeuvre pour travailler dans ses nouvelles usines de textile. «On surnomme 1816 l'année sans été. Il a gelé tous les mois. Les Yankees ont cru à un changement climatique. Ils sont partis plus au sud, là où il faisait plus chaud», poursuit M. Rodrigue.

Les manufacturiers ont d'abord accueilli des Irlandais, mais il a vite fallu recruter ailleurs. Ils ont envoyé des délégations en Beauce, à Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe, Sorel et ailleurs, là où la terre ne pouvait faire vivre tous les enfants de la revanche des berceaux. Pendant un siècle, près d'un million de Canadiens français iront chercher fortune dans les filatures et les scieries de Brunswick, Manchester, Lowell ou Woonsocket. Ils ont tenté d'y préserver leur langue, leur culture et leur foi, fidèles au diktat du clergé.

«La vague a pris fin avec la Grande Dépression quand les États-Unis ont resserré la frontière», rappelle Dean Lauder, géographe américain qui a fait carrière à l'Université Laval en retraçant la présence francophone hors Québec.

Il en a trouvé des signes un peu partout qui peuvent nourrir des projets de vacances. On apprend beaucoup en consultant ses écrits sur le site du Conseil de la vie française en Amérique (www.cvfa.ca).


En 1701, l'intendant Henry de Tonti, second de Bienville, le Canadien qui gouverne alors la Louisiane, vient à Québec. Il cherche un homme qui s'y connaît en briques pour fortifier Fort Mobile, qui doit remplacer Biloxi comme capitale de la colonie française qui s'étend alors jusqu'en Illinois et au Montana. Avec l'Acadie et le Canada, elle formait la Nouvelle-France.

Fort de cette anecdote, son descendant François Rochon a eu l'idée d'un voyage sur les traces de son ancêtre.

Je l'ai rencontré en avril à St. Martinville en Louisiane, au Memorial acadien, étape incontournable lors d'un séjour en pays acadien. Il avait quitté deux semaines plus tôt sa maison du lac aux Cerfs dans les Hautes-Laurentides et faisait route en motorisé vers Grande-Île (Grand Isle) dans le golfe du Mexique.

Chemin faisant, il s'était arrêté à tous les emplacements de forts français qu'il avait relevés dans ses recherches, depuis le fort Frontenac à Kingston, jusqu'à la destination ultime de son périple. «Il y a vraiment des choses à apprendre, raconte-t-il en entrevue. La débrouillardise de ces gens-là était extraordinaire.»

Jean-Philippe Rheault est le petit-fils de l'historien Marcel Trudel qui a publié le fameux Atlas historique du Canada français. Reprenant le flambeau de son grand-père, il a développé un site internet qui retrace la survivance à la victoire britannique et à l'indépendance américaine (www.ameriquefrancaise.ca).

«Pour avoir une idée de comment on vivait en Nouvelle-France, il faut rouler ou s'envoler très loin du Québec», affirme-t-il. Si en Nouvelle-Écosse, on a reconstitué à grands frais la forteresse de Louisbourg, c'est surtout aux États-Unis qu'on trouve les vestiges parmi les plus évocateurs.

À Fort Niagara, dans l'État de New York, la Maison de la paix qui a tous les airs d'une forteresse propose même des audio-guides en français. C'est du point de vue des Anglais que l'histoire est racontée, mais on s'y retrouve, assure-t-il.

Tout comme à Fort Carillon (ou Ticonderoga) au sud du lac Champlain. En 1758, Montcalm y remporte une nette victoire, mais Amherst qui veut débarrasser le territoire «de la vermine française» le reprendra dès l'année suivante.

De Fort Niagara, qu'on surnomme aujourd'hui Château français, François Rochon a plutôt longé le lac Érié en quête des forts Presqu'île, Le Boeuf et Machault dont il ne subsiste que des marqueurs.

En revanche, il a apprécié sa visite à The Point, à Pittsburgh. C'est là que les Anglais ont érigé le fort Pitt sur les ruines du fort Duquesne, haut lieu d'une victoire française en 1755. Non loin de là à Fort Necessity (Great Meadows), un certain George Washington fut même obligé de capituler en 1754 et fait prisonnier. «Il a reconnu avoir ouvert le feu sur des parlementaires, narre M. Rochon dans un éclat de rire. Aujourd'hui, il serait jugé pour crime de guerre, mais les Américains préfèrent raconter qu'il a fait ses aveux sous la contrainte».

Il n'y a pas que la Pennsylvanie qui renferme des joyaux de la présence française, le Missouri aussi. Detroit a été bâti sur le site de l'ancien fort Pontchartrain.

«À Mackinaw City, on a reconstitué la mission Sainte-Anne, aussi nommé fort Michilimackinak, et à St. Ignace, on peut voir le site du fort de Buade et le Mémorial Marquette», fait remarquer M. Rheault.

En descendant le Mississippi, on se rendra jusqu'à Ocean Springs où on reconstruit le fort Maurepas, «le premier fortin d'Iberville», souligne M. Rheault. En Louisiane, une halte à Natchitoches rappelle l'existence du fort St-Jean-Baptiste. «L'immense majorité de ces forts étaient juste en bois», rappelle M. Rochon.

À l'embouchure du fleuve, La Nouvelle-Orléans n'a guère besoin de présentation. Construit sur un promontoire, le Vieux Carré n'a pas subi les inondations qui ont fait suite au passage de l'ouragan Katrina en 2005.

À Mobile, en Alabama, la réplique du fort de Condé témoigne de la présence d'Iberville et de Bienville, tous deux fils de Charles Le Moyne, de Longueuil. Une statue du second, réplique de celles de Montréal et de La Havane, célèbre la mémoire de ces marins qui ont découvert l'entrée par l'embouchure du fleuve. Quelques années plus tôt, Cavalier de La Salle y était parvenu en partant des Grands Lacs.

LE TISSU FRANCO-AMÉRICAIN


«En 1920, Woonsocket était la ville la plus française des États-Unis», raconte Anne Conway, directrice du Musée du Travail et de la Culture de cette petite ville du Rhode Island, sise à une heure de route de Boston. Sept habitants sur 10 (soit environ 35 000) parlaient français.

Aujourd'hui, ce sont surtout les retraités qui le parlent encore. Mais l'empreinte laissée par les milliers de Québécois qui ont quitté la terre de leurs aïeux en quête d'un gagne-pain reste très visible.

Ils ont apporté avec eux une obéissance naïve en leur clergé à qui ils ont offert d'orgueilleuses églises.

Pour décorer celle de Sainte-Anne, ils ont fait venir de Montréal Guido Niincheri, fameux fresquiste et vitrailliste à qui on doit notamment les motifs de la cathédrale Immaculée-Conception à Trois-Rivières et de l'oratoire Saint-Joseph. Aujourd'hui, l'église est transformée en centre culturel, mais les quelque 400 personnages peints selon des techniques chères à Michel-Ange et Raphaël sont toujours bien en vue. Mieux, Nincheri avait pris des paroissiens pour modèles.

Au tournant des XIXe et XXe siècle, plusieurs publications témoignaient de la vitalité de la vie française. Le journaliste Olivar Asselin a été éditorialiste de La Tribune de Woonsocket de 1896 à 1898 après avoir pris dirigé Le National de Lowell.

Cette petite ville industrielle abritait quatre paroisses catholiques françaises: St-Louis-de-France, Notre-Dame-de-Lourdes, Sainte-Marie et Saint-Jean-Baptiste. Seule cette dernière est protégée du pic des démolisseurs, du moins sa silhouette car l'intérieur sera transformé en condos.

«Il a fallu batailler pour la préserver», soutient Mehmed Ali, directeur du Mogon Cultural Center, là où on trouve maints souvenirs du travail dans les filatures.

Très jalouse de son patrimoine architectural, la ville qui a donné naissance à Jack Kerouac subit les contrecoups du scandale de pédophilie qui a entaché l'archidiocèse de Boston en 2003-2004. «Pour payer les amendes, le haut clergé a choisi de vendre des églises que désertaient les fidèles», résume M. Ali.

Si on choisit de s'arrêter à Lowell en faisant route sur Boston ou Cape Cod, ce sera plutôt pour Jack Kerouac. Pour souligner le 50e anniversaire de la parution d'On The Road (Sur la route) le Lowell National Historical Park présente cet été les 10 rouleaux de papier de 12 pieds chacun sur lequel l'écrivain transcrivait ses notes sans se relire.

À Manchester, métropole du New Hampshire, on célèbre encore la messe à l'église Sainte-Marie.

Tout près de là, la St. Mary's Bank occupe les locaux de l'ancienne caisse populaire. «C'était la première du New Hampshire, rappelle Manon Therrien, directrice du Centre franco-américain de Manchester. En entrant sur le mur de gauche, une murale représente Champlain avec des Amérindiens.»

Les Canadiens français sont venus nombreux dans cette ville qui abritait la manufacture Amoskeag, la plus grande au monde durant des années. Elle avait plusieurs concurrents, tous en quête de main-d'oeuvre. Sur les rives des rivières Merrimack et Concord, on comptait 22 filatures en 1835. En 1888 à l'apogée de l'industrie, on en dénombrait 188.

Manchester vaut le détour aussi pour les férus d'histoire militaire. À Victory Park, on a élevé un modeste monument à René Gagnon, un des six soldats de la bataille d'Iwo Jima, rendus célèbres par la fameuse photo les montrant en train de hisser le Star Spangle Banner. Selon Mme Therrien, M. Gagnon, qui est mort en 1979, parlait français.

Pour entendre aujourd'hui cette langue du début du siècle dernier, on peut aller Chez Vachon, rue Kelly. On y sert même de la poutine, c'est tout dire.

On trouve aussi un Petit Canada, à Lewiston dans le Maine, passage quasi obligé des Québécois qui partaient travailler dans les manufactures. À Augusta, la capitale, le musée d'État abrite une scierie d'autrefois qui ressemble au moulin de Saint-Michel de Bellechasse. «Rien de surprenant là, assure Barry Rodrigue, 85% des colons venus du Québec sont partis de Beauce ou de Bellechasse.»

Ils empruntaient un chemin qui correspond aujourd'hui à la route 201. Tiens, ça tombe bien, la 201 se jette sur la route 1 qui longe les belles plages fréquentées par les Québécois

C'est le genre d'article qui gonfle ma fierté. Bon j'ai rien fait de spécial personnellement, ça démontre que mes/nos ancêtres ont étés animés d'une intrépidité remarquable. Que ce soit pour traverser l'Atlantique aux temps où ça mettait des mois voire une année... pour être acteurs dans un Monde Nouveau, où coincés par le clergé envahissant où d'autres contraintes; ils ont su aller au-delà soit sur les terres qui sont aujourd'hui Américaines. Parfois aussi ce fut sous la contrainte comme sous Le Grand Dérangement subit par les Acadiens. M'enfin... tout est dans l'article ci-haut.

Je n'y ai pas participé donc. Je n'ai pas connaissance d'ancêtres directs y ayant prit part ce qui n'enlève rien à ma fierté.

PS: Je tente un lien éclairé avec la polémique suscitée au sujet du joual versus l'utilisation volontaire à outrance de l'anglais, notamment en France et en Suisse... débat tellement puéril quand on arrive à voir la diversité de la couleur francophone dans les régions citées plus haut...

PS1: Je n'ai pas honte de MON joual. MON joual n'est pas le même que celui de la région de Québec, de Montréal, de l'Abitibi ni d'aucunes autres régions. C'est MON joual. J'ai choisi de jouer avec pour dialoguer avec les gens. J'ai choisi de la jouer vaudoise, valaisanne, ou autre pour dialoguer avec les gens d'ici. Je peut la faire Belge ou Française. J'oserai jamais la faire du style des contrées comme l'Afrique francophone parce que je ne connais pas. Mais ce sont toutes des régions, des pays qui ont leur place dans la francophonie. Chacun son vocabulaire, chacun ses spécificités.

Je trouve que c'est un peu ce que reflète cet excellent article de M. Le Cours. Voilà!



8 commentaires:

cvrin a dit…

très chouette article Béo! j'ai appris tout plein de chose, merci :)
pis sinon, j'ai pondu un article qui doit sûrement te parler!
Marc Lebrèche ça te dit quelque chose???

Beo a dit…

Speedy80 * Tu sais moi aussi j'ai appris des choses en lisant cet article.

Je suis une fan finie de Labrèche!

cvrin a dit…

je te comprends, il est vraiment trop.... génial? fou? vivant? hors du monde?
je sais pas trop mais il l'est :)

Beo a dit…

Speedy * Je dirais qu'il est totalement lui-même. Faut savoir qu'avec le papa -qui était acteur délirant aussi- qu'il a eu; ça devait être fou à la maison ;)

Francois et fier de l'Être a dit…

Notre langue est vivante, peut importe qu'elle se fritte et frotte à une autre, nos rencontres et nos débats l'enrichisse. Je me penchais justement hier sur la constitution d'un petit glossaire informatique et j'ai eu la surprise de ne pas trouver dans le littrè des termes qui me semblaient évidents tant on en use et abuse comme par exemple : "Bus", on devrait dire autobus ou autocar, le "Bus" ne peut pourtant être considéré comme un anglicisme.
Bonne journée, je retourne bosser.

Beo a dit…

François * Tu as raison; c'est une langue vivante, ainsi il y a des termes admis sans problèmes.

Ce qui me choque c'est plutôt des présentations entières du genre:

- La Short Film Night!!!! Pour désigner un festival de courts métrages en Suisse ou bien:

- Les Open Air pour désigner des cinémas en plein air!!!

Anonyme a dit…

Bonjour Béo
je constate avec plaisir que tu partages mes préoccupations pour la sauvegarde de la langue française. Je trouve moi aussi que l'article que tu nous présentes est très étoffé et il faudra que je la relise à nouveau.
En ce qui concerne Marc Labrèche, je ne l'ai pas encore vu dans «Les invasions barbares» mais il semble qu'il soit très bon. Parlant de lui et de son père, étais-tu encore au Québec quand ils ont joués ensemble dans une dramatique de Jeannette Bertrand (Avec un grand A). C'était très touchant. Les deux passaient facilement de la comédie au drame.

Beo a dit…

Lux * Je suis une fervente de la langue francophone incluant les diversités reliées aux différentes régions et pays.

Quand c'est passé à la télé, Avec un grand A, je crois que je ne synthonisait pas cette chaîne télé parce que je ne me souviens pas de ce passage. J'aurais sûrement regardé!